Trek de 13 jours Briançon-Menton
Tout a commencé un après midi lorsqu’un ami me propose de partir faire un trek de plusieurs jours en autonomie en partant de Briançon. J’avais déjà dans l’idée depuis un long moment de réaliser une traversée à pieds sur plusieurs semaines alors j’ai sauté sur l’occasion puis on a commencé à préparer le trip.
Nous sommes 4 gars motivés : Antoine, Bastien (allias Baba), Guillaume et moi (Xav), avec un niveau intermédiaire ou avancé en randonnée de montagne.
Préparation, équipement, alimentation
Notre première mission s’oriente vers l’analyse du parcours. Pour cela, direction le site grande-traversee-alpes sur lequel on trouve une carte détaillée avec les différents itinéraires dans les alpes. On peut même créer une trace personnalisée avec les étapes de notre choix que l’on peut ensuite exporter en GPX. Il y a aussi de nombreux conseils sur la préparation et les choses à voir en chemin. Un site vraiment utile donc pour ceux qui partent faire une grande randonnée dans les Alpes. En ce qui concerne l’orientation, Antoine et Baba vont emporter les cartes papier IGN tandis que de mon coté j’utilise déjà comme GPS l’application MAPS 3D, qui nous guidera en temps réel tout au long du parcours (disponible uniquement sur IOS).
A la base nous avions prévu l’arrivée à Nice mais après réflexion nous avons décidé de quitter le GR5 après l’entrée nord du Parc National du Mercantour pour faire la GTM (Grande Traversée du Mercantour). Celle-ci s’avère en effet plus intéressante en terme de parcours et de paysages avec notamment de nombreux lacs présents tout au long du sentier.
Quelque jours plus tard les billets de train sont réservés avec un départ prévu le 3 Septembre au matin et l’arrivée en fin de journée, il n’y a plus qu’à attendre les vacances !!
Etant déjà habitués à marcher et à camper durant les week end, nous possédons tous une grande partie de l’équipement requis. Reste à prévoir quelques détails et surtout l’alimentation pour 2 semaines pour 4 personnes et c’est là que les choses se compliquent car en trek le poids est notre ennemi… Pour les intéressés, j’ai écris un article détaillé sur l’équipement pour un Trek en autonomie. Vous pouvez également lire mon article sur la partie Alimentation avec des idées de plats équilibrés et adaptés à une activité physique intensive. Entant végétarien je n’ai pas emporté de viande, j’ai tout de même fait des exceptions lorsque mes amis préparaient des plats communs avec de la viande locale achetée sur la route.
LE TREK – 13 jours – 280km – 16.000m de dénivélé +
3 Septembre, réveil 05h45, c’est le grand jour, on se rejoint à la gare de Nice-Ville pour prendre le train, le voyage dure près de 8h pour finalement arriver à Briançon à 17h20, cette fois nous partons pour de bon, plein de motivation, le sourire aux lèvres et les sacs à dos bien chargés à +de 20kg (c’est lourd…).
1ère étape, environ 2h30 de marche car il est déjà tard, un bon dénivelé se présente à nous dès le début en quittant le village et il est vraiment difficile de se mettre en condition, les sacs sont très lourds et nous n’avons pas encore de rythme de marche. Nous finissons par monter le campement dans une pente, nous n’avons pas d’autres choix, le col est encore trop loin. Un bon repas s’annonce avec des Pérugines de chamois maison préparées par Baba, le chasseur du groupe, et autant vous dire que l’on s’est régalé. Il ne fait pas chaud mais nous sommes bien couvert et avons même démarré un petit feu de camp. On s’endort assez tôt mais notre première nuit va s’avérer mouvementée… La pente fait glisser nos matelas ce qui est plutôt désagréable et nous empêche d’atteindre un sommeil profond. Puis vers 3h30 d’énormes cris successifs nous réveillent tous. Une petite angoisse s’installe avant que Baba nous confirme le bruit d’un aboiement de chevreuil, visiblement mécontent que l’on soit installé sur son passage (pour les curieux voir cette vidéo d’un aboiement de chevreuil). L’animal finira par céder et nous contourner.
“Mounta Cala, Mounta Cala” (succession de montées et de descentes en provençal) c’est ce que nous vivons désormais sur le chemin. Les alpes sont condensées et les vallées étroites. Pour avancer nous franchissons 3 à 4 fois par jour un col, un pas, une baisse,… avec les dénivelés cumulés positifs et négatifs que cela engendre. Les jambes travaillent d’autant plus fort avec des sacs à 20kg. Des douleurs musculaires et articulaires commencent à apparaître dès les premiers jours et il faut vivre avec. Le cœur aussi fourni de gros efforts et nous dépensons énormément de calories dans une journée (~4000 kcal/jour). Sur le chemin nous avançons chacun à notre rythme et restons concentrés en quasi-permanence. Nous effectuons un “check up” en haut de chaque col pour vérifier que chacun se porte bien, un soutient mutuel s’installe alors rapidement. Nous profitons de ces poses pour s’hydrater, s’alimenter, et surtout profiter des paysages magnifiques qui s’offrent à nous, cette immensité montagneuse encore sauvage et préservée. Un petit post sur Facebook/Instagram puis c’est reparti 😉 !
Depuis le départ nous avons trouvé de beaux petits « spots » pour bivouaquer le soir avec en prime la possibilité de faire un feu de camp à chaque fois. En ce 3ème soir nous sommes au Lac de Sainte-Anne après une rude montée de 800m D+ en pente très raide. Le lac est sublime, nous avons encore assez de courage pour mettre les jambes dans l’eau glacée afin de soulager les muscles et les articulations et ça fait vraiment du bien. Après le repas nous avons la chance d’assister à un levé de lune qui surgie subitement derrière la montagne en face de nous.
Nous repartons le lendemain à l’aube pour accomplir la 4ème étape jusqu’à Fouillouse. Nous montons le campement un peu après le village au bord de la rivière. Ce soir la je me décide à trouver des battons de marche en bois pour soulager les jambes aussi bien dans les montées que les descentes et je vous assure que la différence s’est fait immédiatement ressentir.
5 jours déjà que nous sommes partis et à notre grande surprise nous sommes déjà à l’entrée du Parc du Mercantour. Nous avons bien avancé, beaucoup plus vite que ce que l’on pensait. Il faut dire que c’est Antoine qui mène la cadence en avant avec son bon niveau de “traileur”. Baba suit très bien aussi tandis que Guillaume et moi avons adopté un rythme un poil moins rapide mais tout de même bien soutenu avec une réelle constance, cette dernière étant la clé de la réussite en randonnée… Nous arrivons à Larche, dernier village pour un ravitaillement en nourriture car après nous ne croiserons que des refuges et il n’y aura pas d’épiceries avant Sospel… Jusqu’ici nous avons eu l’occasion d’acheter régulièrement des produits locaux dans les villages, pain, fromage, charcuterie… et nous nous sommes régalés. Nous aurions même pu partir avec moins de nourriture (pour alléger les sacs) et prévoir un gros ravitaillement ici, à l’épicerie du Camping des Marmottes.
Nous entamons la montée et arrivons à l’entrée nord du Mercantour. En cette fin de journée, alors que je regorgeais d’énergie quelques heures auparavant, mes jambes décident de me lâcher subitement à l’arrivée. J’ai appelé ça un “coma des jambes” dû certainement à une fatigue générale cumulée et une réaction de mon corps à ce changement brutal d’activité physique. Étant quasiment incapable de marcher et littéralement épuisé, je n’ai d’autre choix que d’aller me reposer dans la tente une bonne heure durant. Le dîner étant prêt je me force à me lever pour manger, il faut absolument que je donne du carburant à mon corps et mes muscles. L’inquiétude s’empare de moi de plus en plus et je songe avec tristesse à l’abandon. Je retourne me coucher dès la fin du repas, il est encore tôt et je dors d’un profond sommeil jusqu’au matin.
6ème jour, je me réveil en forme et mes jambes semblent reposées. Nous quittons le Lac du Lauzannier à 7h et je commence à me sentir soulagé car j’arrive à marcher sans encombre. Je reste tout de même prudent durant les premiers km bien que finalement nous accomplirons encore une fois une grosse étape. Nous quittons le GR5 après le premier col pour entamer la GTM version légèrement remixé à notre gout. Nous passons par les Lacs Morgons, puis enchaînons sur les magnifiques Lacs de Vens qui font vraiment honneur à leur réputations. Le repas du midi au refuge fut délicieux avec un très bon accueil.
Nous repartons en forme pour le Plan de Ténibre ou nous trouvons refuge dans un vieux bâtiment abandonné. Pour la première fois depuis notre départ nous avons une mauvaise météo qui est annoncée sur les 2 prochains jours. Le lendemain nous choisissons la prudence et ne marchons que 3h pour rejoindre le Refuge de Rabuons.
Le gardien nous confirme la perturbation météo avec un coup de lombarde annoncé. Nous décidons alors d’y passé la nuit et profiterons de l’après midi libre pour nous reposer. Je ne vous cache pas que cette petite pause était pour moi la bienvenue et je pense que tout le monde en a bien profité. Nous avons reposé les jambes et passé une nuit au chaud sur un vrai matelas !! Il n’y avait que 3 personnes en plus de nous 4 ce soir là donc c’était l’idéal. Nous préparons la journée du lendemain, une grosse étape s’annonce jusqu’au Col de la Lombarde : 32km et 2000m de dénivelé+, on y croit les gars… Cette journée va s’avérer la plus dur du trek…
Depart 7h00 du refuge et le temps s’est levé. Nous avançons rapidement sur le Chemin de l’énergie. La fin de matinée se complique, le temps est à nouveau couvert et bruineux. Nous progressons difficilement sur des passages en crête du coté Italien, le chemin est très escarpé et plutôt dangereux donc tout le monde est bien concentré sur sa cadence.
Nous arrivons au Lac Lausfer Superieur en milieu d’après midi avec une énorme faim au ventre. Le repas ne s’éternisera pas, le vent souffle et les nuages sont menaçants. Nous reprenons rapidement le chemin vers la Lombarde, ce chemin dont on ne voit plus la fin sur les derniers km. [Ah oui j’ai oublié de vous dire que j’ai baptiser mon sac à dos “FarDos” comme un fardeau puis ça fait un jeu de mot en « franglais » genre Far (loin) et dos… laissez tomber… çà doit être la fatigue mais çà ferait un bon nom pour une marque de sac 😉 (le mec ne lâche pas l’affaire…)]
L’étape touche presque à sa fin, tout le monde est épuisé, le vent est froid, les muscles sont à bout mais le mental tient toujours. Nous faisons un dernier effort, un dernier morceau de chemin qui nous mènera sur les hauteurs d’Isola pour avoir l’impression d’arriver enfin “vers chez nous” ! Puis vient l’arrivée ! Mais pas n’importe quelle arrivée, non, une arrivée presque miraculeuse. En effet sur les derniers mètres, nous entendons une petite musique genre latino, est-ce un mirage ? Du Manu Chao en haut d’un col à 2350m d’altitude à 6h du soir, ce doit être une illusion… Eh bien non c’est un snack… ouvert ! Le Saint Graal, la récompense pour cette journée horrible (j’exagère). C’est parti les gars vous voulez quoi ? “Bonjour monsieur, alors nous allons vous prendre : 4 Sandwichs merguez légumes, 4 assiettes de frites, 4 bières, 2 bouteilles de vin rouge, 1 pack d’eau, 25 barres de chocolats et 4 gauffres au Nutella, s’il vous plait !” Le mec du snack viens de faire fortune… Rassasié et heureux d’avoir atteint notre objectif nous plantons la tente peu après sur une piste de ski à quelques pas du snack.
9ème jour, départ d’Isola 2000, nous progressons rapidement vers les Lacs de Terre Rouge, il fait beau et chaud, une toilette matinale s’impose. Nous en profitons aussi pour laver du linge qui séchera sur le sac durant la journée. Qu’il fait bon se sentir propre ! Nous repassons coté Italien après le col pour parcourir les sublimes Lacs de Valscura puis le Lac Del Claus au bord duquel nous cassons la croûte. Encore quelques heures de marche puis nous arrivons au Lac Nègre sous un ciel magnifique. Nous passerons la nuit ici mais avant nous avons un problème à résoudre, nous avons perdu Guillaume (ou plutôt il nous a perdu…). Cela fait plus de 2h qu’il n’est plus derrière nous, et pourtant nous l’avons attendu régulièrement mais en vain. Plutôt inquiet nous avertissons un gardien du parc que nous venons de croiser. La nuit commence à tomber et le col qui mène au lac et plutôt difficile à franchir et dangereux sans luminosité car en plein dans les éboulis. Nous tentons à plusieurs reprises de le joindre par téléphone mais sans réponse. Antoine part à sa recherche avec le garde sur un autre versant de montagne vers lequel il pourrait se trouver. Baba et moi montons le camps pendant ce temps là quand subitement Guillaume débarque. Il s’était légèrement trompé de chemin et avait raté une intersection qu’il a finalement pu retrouver grâce à l’indice que l’on avait laissé au croisement. Le stress retombe et l’aventure peut continuer normalement ! Après le dîner, nous profitons d’une nuit bien étoilée et avons même le privilège de voir passer la station spatiale international (ISS : International Space Station).
Le lendemain nous découvrons au réveil les dégâts causés par un renard suite à un oublie, un sac de nourriture laissé dehors par mégarde et qui aura profité à un petit malin… Bye bye les pâtes, l’huile d’olive, le lait en poudre, le sucre de coco et j’en passe…
On nettoie le tout puis on se prépare pour l’étape la plus longue du trip avec 11h de marche sur 1400m de dénivelé+. Nous passons le Lac du Boréon puis le Lac de Trécolpas. Nous atteignons la Madone de Fenestre en milieu d’après midi et décidons de continuer vers le Refuge de Nice.
Ce dernier morceaux via le Pas du Mont Colomb va s’avérer long et pénible. Nous dépassons 2 jeunes anglaises, pas très sûr de leur coups, qui progressent difficilement dans ce début de col que nous atteignons 1h plus tard. La descente qui s’offre à nous est très raide, technique et dangereuse avec nos gros sacs qui peuvent rapidement nous faire perdre l’équilibre, ce qui fini par se produire avec une chute d’Antoine qui heureusement s’en sort indemne. Nous arrivons au refuge après 2h de descente infernale, nous ne dormirons pas sur place mais nous prenons volontiers le dîner : soupe aux légumes, pâtes à la daube suivi en dessert de l’inévitable tarte aux myrtille et puisque c’est la fête, 3 Génépis chacun pour le digestif 😃 !
Etape 11. Une belle journée s’annonce aujourd’hui, nous avons dormis au bord du Lac de la Foux à quelques pas du Refuge. Départ à 8h30 pour entamer notre dernière étape de “haute montagne”. Après avoir franchi un premier col, nous entrons dans la vallée des merveilles, cette vallée si connue et convoitée pour ces somptueux lacs, sa diversité de roches, de flore, sans oublier bien sûr les innombrables gravures préhistoriques. Nous dépassons le Lac du Basto puis le Lac des Merveilles pour déjeuner au Lac Long Supérieur. Nous quittons la vallée en milieu d’après midi en parcourant le Lac Fourca, Lac du Trem, Lac de la Muta puis le Lac du Diable. Nous progressons rapidement pour camper en fin de journée à l’Authion près du Fort de la Redoute des trois communes et là, surprise, nous apercevons la mer pour la première fois depuis le départ !
Au levé du soleil un magnifique paysage s’offre à nous avec une mer de nuages dans la vallée. Après quelques km de faux plat nous entamons une longue descente vers Sospel avec près de 1700m à descendre, en pente assez légère heureusement. Les paysages ont complètement changé depuis hier, nous retrouvons désormais une végétation de type méditerranéenne et très sèche de part la canicule qui a frappé le sud cet été 2017. La température est aussi beaucoup plus douce. Nous atteignons le village en début d’après midi avec au programme, un bon burger maison dans un resto puis un petit ravitaillement en nourriture afin de profiter d’un bon repas pour notre dernier soir. Après être descendu à 350m d’altitude, il nous faut maintenant remonter prés de 500m que nous avalons en 1h avec un rythme très soutenu suite à un élan soudain de sur-motivation. Épuisé et en sueur, nous décidons de monter le camp ici et Baba en profite même pour « se payer » un bain dans ce qui ressemble plus être un abreuvoir pour chèvres qu’une fontaine mais qu’importe, nous avons de l’eau courante au beau milieu de cette nature sèche ! Comme tous les soirs nous partageons du bon temps, nous rigolons de nos conneries autour d’un bon repas, copieux et équilibré, ou presque…
Jour 13, dernier jour… Nous n’avons que 5h de marche au programme mais avançons tout de même rapidement, pressés par l’envie d’atteindre notre objectif final. La progression est fluide jusqu’à l’arrivée au dernier sommet près du Roc de l’Orme à 1100m d’altitude. La mer est maintenant juste en face de nous et il nous reste un important dénivelé à descendre sur une petite portion de chemin. Allez, dernier gros effort pour les cuisses et les genoux qui souffrent beaucoup dans ce type de pentes raides. Nous restons concentré sur nos pas, ce n’est pas le moment de se faire mal. Puis vient le bitume, ça y est nous retrouvons la civilisation. Encore quelques centaines de mètres pour arriver dans le village de Menton Garavan. La météo n’est pas clémente et nous avons droit à une petite averse, comme si la montagne était triste de nous voir la quitter… Nous rallongeons un peu le chemin et continuons jusqu’à Menton village. Un Pan Bagna s’impose pour célébrer notre réussite, nous sommes tous très content et fier de notre périple !
En conclusion
Ce trip nous a énormément appris et fait réfléchir. Il est assez difficile d’expliquer ce type d’expérience car ce n’est qu’en l’ayant vécu que l’on peu réellement la comprendre. L’épreuve physique fut intense et soutenue et même si notre corps nous a parfois fait défaut, le mental et la motivation ont toujours été le moteur de nos exploits. Nous étions chacun autonome et concentré sur notre réussite personnel bien que toujours prêt à s’entraider en cas de besoin. Les longues journées passées à marcher ont permis une réelle connexion avec nous même. Des paysages magnifiques se sont offerts à nous, et malgré les moments de doutes, nous avons atteints nos objectifs et repartons avec un renouveau de confiance et d’assurance envers la vie !